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samedi 25 octobre 2008

811 - Société d'eunuques

Le floutage est partout.

De plus en plus systématique, il est en passe de devenir la norme.

Norme des ovins qui adhèrent sans broncher à la décérébration progressive, insidieuse des masses.

Visages, numéros d'immatriculations des véhicules, enseignes d'artisans, noms de marques, numéros de téléphones, le floutage se répand sur les supports les plus variés : depuis GOOGLE EARTH jusque dans les médias traditionnels en passant par la télévision, cette dernière ayant, semble-t-il, imposé le concept.

Cette pratique insupportable, forme grossière de censure qui ne dit pas son nom, est révélatrice de l'état d'abrutissement de notre société dévirilisée, infantilisée, faussement respectueuse des individus, de la loi, et surtout extrêmement frileuse devant les prêtres de l'économie et leurs logos sacralisés comme des icônes de saints ou des drapeaux solennels de nations.

Si bien que citer, montrer, dénoncer une marque est devenu un crime.

Cette censure qui risiblement se pare de grandes valeurs morales est en fait une condamnation du citoyen à devenir bête, docile, plus serviteur de causes viles que protecteur de réels intérêts humains. Le vrai but de la manoeuvre (initiée et orchestrée, me semble-t-il, par les maîtres des grandes marques commerciales et les médias complices) est de changer les mentalités face à l'importance croissante que prend l'économie dans la vie sociale.

Les rapports entre la publicité et les marques, les individus et leur image publique se codifient à l'extrême. Aujourd'hui il n'est plus possible de fumer ou boire de l'alcool dans un débat à la télévision, il est interdit de dire NÈGRE, VIEUX, INFIRME à travers cette même télévision (la télévision qui, rappelons-le, sans être un organe légal d'information ou de débat public s'est imposée comme LE vecteur "sérieux" de toutes les causes officielles) sans être accusé de racisme, de mépris ou d'irrespect. Nommer publiquement monsieur Dupont, Madame Duchemin dans une affaire mettant en jeu des intérêts aussi insignifiants que le respect de leur petite vie privée de français moyens fait courir le risque à l'imprudent d'être poursuivi en justice par ces "minables offensés" que je viens d'évoquer.

La protection de l'image du moindre quidam fait l'objet des plus chères attentions de la part des législateurs sacrifiant à l'air du temps. Et à ses inepties.

En bref, le floutage est un voile inique placé devant la vérité dans le dessein imbécile de mettre les gens à égalité devant la sottise ambiante.

En quoi montrer le visage de monsieur Dupont ou le numéro de sa voiture sur GOOGLE EARTH constitue une atteinte à sa dignité d'anonyme, à sa vie privée de plombier dont nul n'a que faire ?

Faut-il être profondément atteint par la stupidité générale pour se donner la peine de flouter chaque visage, chaque plaque minéralogique apparaissant sur les routes de GOOGLE EARTH ! Suivre le mouvement c'est se faire complice de la tendance et donc la renforcer.

Face à la montée de la crétinisation civile, je prône la "désobéissance izarrienne" : ne pas singer les eunuques, promouvoir la hauteur de vue et surtout dénoncer le floutage comme un pas décisif dans le processus d'enchaînement des esprits à des causes qui n'en sont pas.

mercredi 22 octobre 2008

810 - Le glaive de l'esthète

L'esthète aimait les femmes.

Il chérissait leurs pieds, suivait leurs pas, s'attachait à leurs chats, s'affichait avec leurs appas, pressait leurs châles, surveillait leurs passages, provoquait leurs larmes aussi : notre héros était un amant féroce.

Il y avait deux Z dans son nom en quatre parties. Il prenait ces Z pour des ailes. Ou plutôt il prenait les L pour des zèbres. Enfin, dans ses ivresses esthétiques il confondait les choses avec les idées, les étoiles avec les fioles, la Lune du soir avec la une du journal. Précisons que ce petit "Machia-nova" de par sa naissance avait hérité d'un trésor sans prix : une particule.

Et, chose notable, le sybarite tenait à exercer souverainement les droits conférés par le port de sa particule auprès non seulement de ses femelles conquêtes mais également des gens de peu, ses éternels ennemis.

Ainsi il exigeait que ce qu'il appelait "la gent impie", c'est-à-dire le peuple des sans-particules, lui rende d'inconditionnels hommages en vertu de sa glorieuse condition de "particulé". Évidemment, étant donné que rares étaient les "impies" acquiesçant à ses vues, il était fort peu souvent honoré par ce côté de sa personne.

Seules les femmes de coeur et d'esprit acceptaient de céder à son caprice d'artiste. D'elles, le raffiné despote revendiquait la jouissance de droits de plus en plus totaux.

Toutes cédaient. Aucune ne se plaignait. Il faut préciser que pour faire taire toute contestation notre dandy avait un magnifique secret.

Cet argument de taille propre à faire oublier les rigueurs de son caractère fantasque consistait en sa belle, grosse, puissante et très habile...

...Plume.

809 - Le procès fait contre Eric Zemmour à propos de son roman inspiré de faits réels

Dans le débat public, qu'il soit d'inspiration médiatique ou romanesque, je suis contre le "floutage" des vérités, des visages, des marques, des coordonnées en général. Certes il faut protéger le faible, respecter les légitimes pudeurs de chacun. Il ne s'agit pas non plus de jeter en pâture de potentielles victimes au nom de la vérité.

Mais dés lors que les gens sont adultes, responsables, vaccinés, ils doivent assumer totalement les inconvénients de la vie en société. S'ils adhèrent sans difficulté aux avantages et bienfaits de la vie sociale, il doivent également consentir aux rigueurs et contrariétés inhérentes à toute société cohérente. Cela s'appelle ni plus ni moins l'intelligence sociale et c'est la moindre des choses que de se plier à ses élémentaires exigences.

Si les gens aspirent au silence médiatique, à l'anonymat voire à l'oubli, bref s'ils veulent vivre "en paix" selon leurs critères strictement individualistes, personne ne les empêche de se faire ermites.

Le fait d'être cité dans un roman pour telle ou telle raison fait partie des risques de la vie. Ce refus maladif de la part des citoyens (de plus en plus déresponsabilisés) de prendre le risque de se faire renverser par les bolides du "hasard et des merveilles" sur le chemin de l'existence est significatif de la frilosité, du désir d'introversion des membres de cette société encadrée par des lois toujours plus infantilisantes.

Rappelons que vivre, c'est fatalement une aventure. A moins de souhaiter ne jamais sortir de sa coquille originelle, vivre c'est affronter le réel. Avec tout ce que cela suppose de bienfaits et d'amertume. D'ailleurs les épines de la vie, c'est ce qui constitue aussi sa richesse.

Pour en revenir au désir d'anonymat de certaines personnes citées publiquement, quelle valeur peut avoir un témoignage s'il est quasi anonyme ? Je ne vois pas en quoi la sécurité ou la renommée de tel ou tel acteur de la vie médiatique, politique, de la vie sociale en général peut être mise en jeu dans le cadre de l'expression publique.

Que ceux qui n'ont rien à cacher, rien à craindre, au lieu d'opposer d'inutiles barrières à l'établissement de la vérité (ou dans le cas qui nous préoccupe à l'élaboration du roman) acceptent d'être inclus, nommés, cités dans les débats, romans, articles... Leur cause en deviendra beaucoup moins suspecte et cela coupera court au vacarme médiatique qu'il entretiennent perversement par leurs simples protestations...

Cette société de "floutage" systématique manque de virilité.

Très révélateur de son malaise : l'emploi de mots qui dénaturent le réel. Sous couvert de respect d'autrui, le verbe s'édulcore. Ainsi sont sortis les termes qui arrondissent les angles... Est-ce respecter un être humain que de le qualifier de BLACK, de SENIOR ou de BEUR ? Non, c'est le rabaisser à hauteur du "linguistiquement lisse", c'est le formater selon les critères lénifiants de cette mode niaiseuse consistant à aseptiser les êtres en dépit de leurs odorantes, visuelles ou culturelles différences.

Nous sommes dans une société hyper frileuse pleine de mollassons, de pantouflards où les hommes torchent des gamins et chialent devant leur poste de télévision pour un oui, pour un non !

Dans cette société d'assistanat mental la vérité fait peur, les idées font peur, les mots font peur. On édulcore la réalité, la pensée, le verbe.

Une affreuse vieillarde devient une gentille MAMIE. Un vieux sénile baveux est transformé en sémillant SENIOR.

Un homme n'est pas un produit calibré, empaqueté, uniformisé, c'est un univers individuel avec ses contradictions, ses outrances, ses bassesses et ses hauteurs. Et son odeur.

En qualifiant un NOIR de BLACK, une FEMME OBESE de RONDE, un VIEUX de SENIOR, une VIEILLARDE de MAMIE, on fait perdre toute sa saveur à l'individu ainsi désigné, on lui ôte sa singularité, on l'uniformise, on le standardise, bref on le fait entrer bien proprement dans nos petits moules étriqués si "politiquement corrects".


Le procès fait à Eric Zemmour procède de cet état d'esprit de notre société immature sous assistance législative où non seulement la vigueur du propos mais encore la VERITE des faits ont été remplacés par la mollesse du discours, le mensonge social.

808 - D'un lobe à l'autre

Pour en finir avec les vieilles chimères, prenons l'exemple météorologique : nuages et vent. A partir du souffle atmosphérique les éléments génèrent les forces par lesquelles entre en action l'onde indispensable à l'humidification des sols féconds. Ainsi les mots entrent dans l'élaboration du langage, générant les phrases, la pensée, la réflexion féconde, puis le vent. Le locuteur sous la pluie ne ressemble en rien à l'escargot qui bave puisque le mollusque terrestre ne possède qu'un seul pied pour argument majeur, tandis que le bipède, comme son nom l'indique, en possède deux.

J'en viens à présent au délicat problème des oeufs. Tout ce qui éclot n'est pas nécessairement essentiel. La mouche qui vole et qui pond, qu'a-t-elle de commun avec le passeur d'un pont ? En fait passager, passeur, passant, messager ? Le verbe conditionne la pensée et bravant toute bave escargotique, l'humidité céleste qui arrose le pied du passant pressé ou amolli n'est pas l'onde qui abreuve le sillon emprunté par la coquille vive. L'oeuf est sur un pied, il avance. Sans être limace, il pond, bave, et sorti de sa coquille il arbore alors deux antennes rétractiles. Peu pressé mais plein d'oeufs, il passe.

Afin d'aborder avec aisance l'élément solide, penchons-nous sur l'aspect sphérique du sujet de cette étude. Que voit-on ? Un escalier. Ascendant diront certains, descendant affirmeront d'autres. En fait tous les colimaçons mènent à Rome, et l'humble larve comme le fier hippocampe progressent en direction opposée à leur point de départ, et ce quelle que soit la direction prise par l'un ou par l'autre. Dans la Capitale italienne ce qui est vital aliène n'importe quelle limace atmosphérique. On y revient. L'atmosphère, l'onde céleste, le vent... La réalité météorologique nous aliène à ses lois car celles-ci demeurent au-dessus de nos têtes. De Rome au ruisseau, la dive coquille glisse de son unique pied et se perd dans l'anonymat d'une flaque insignifiante. Sauf que des pores limaciers partent en fumée et que les portes closes ne sont fermées que le dimanche.

A méditer sans retenue avec une feuille de salade mouillée sur le talon pour les vers et de plats haricots de terre sur la tête pour les pommes.

lundi 20 octobre 2008

807 - A ceux qui me reprochent de détourner le regard de la Yougoslavie

Foutez-nous la paix avec votre Kosovo et votre Serbie !

Personne n'y comprend rien, cessez de vouloir mêler les esprits sains à ces imbroglios politico-ethniques parfaitement ubuesques !

Laissons les gens du Kosovo et de la Serbie patauger dans leur fange entre fous qu'ils sont, n'étendons pas leur conflit jusqu'à nous. Il y a tant de belles choses à faire sur Terre, pourquoi aller s'embarquer dans ces histoires de dingues ? La Yougoslavie est pour toute personne saine un immense asile psychiatrique rempli de fous furieux, le "Sainte-Anne" de l'Europe. Je me demande si les gens là-bas y comprennent eux-mêmes quelque chose à leurs histoires incroyablement compliquées... On dirait une vaste farce ourdie par de sinistres clowns, un numéro de cirque funeste donné à une nation entière, mené par des "trompettistes de la mort".

Si je devais tenter de résoudre tous les problèmes du monde, cela ajouterait un énième problème au monde... Et ma vie n'y suffirait pas. Pourquoi irais-je patauger dans la fange des autres au risque d'amplifier un processus nuisible, de rendre encore plus complexe un inextricable imbroglio martial ? Pourquoi vouloir me faire entrer dans la ronde des fous ? Laissons les fous s'agiter entre eux. Entrer dans l'arène des dingues ne ferait qu'ajouter au vacarme, à l'absurdité de la situation. Quand les fous en auront assez de s'étriper, quand ils constateront que les autres pays n'entrent pas dans leur ronde infernale, ils finiront par se lasser, et pourquoi pas, par entendre raison.

Manipulation classique de la part des stratèges sans scrupules : mondialiser leurs conflits locaux .

Quand vous croyez prendre parti librement pour l'un ou pour l'autre camp, vous n'êtes en fait que le jouet d'habiles belligérants. Leur intérêt est d'exporter leur cause afin qu'un maximum de témoins s'y rallient.

Persuadées d'agir pour la justice, d'être dans le bon camp, de défendre la bonne cause, les belles âmes volant au secours des uns ou des autres se trouvent n'être -à leur insu- que des pantins au service du conflit et de leurs protagonistes...

Ne surtout pas entrer dans leur jeu !

Bref, que chacun s'occupe de son jardin et tout ira mieux.

Si vous vous mêliez moins des problèmes des autres, vous les idéalistes du dimanche, peut-être que leurs problèmes seraient moins difficiles à régler... Entrer dans le conflit des autres ne fait que l'amplifier, le complexifier, l'étendre.

Bref, cela ne fait qu'ajouter de l'absurde à l'absurde. Il n'y a que les fous pour vouloir se joindre aux fous.

C'est d'ailleurs exactement comme cela qu'est née la Première Guerre Mondiale. La plupart des soldats ne savaient même pas pourquoi ils se battaient. Et les chefs d'états ? Je pense qu'eux-mêmes, tout comme les soldats, ne savaient pas trop pourquoi leurs nations s'entretuaient.

Moi je ne comprends rien, strictement rien au problème de la Yougoslavie et vous voudriez que j'y mette mon grain de sel ?

mardi 14 octobre 2008

806 - Le rêve d'Eugène

Le ciel est clair, l'air vernal, le paysage serein.

Eugène se repose, le front levé, les paupières closes. Il écoute le chant des oiseaux et la brise dans les arbres, respirant paisiblement sous sa moustache. L'air qui pénètre ses flancs semble le régénérer. Un nuage dans l'azur, le soleil qui chauffe doucement la campagne, cela suffit pour faire naître un sourire sur les lèvres du rêvasseur.

Il est au paradis, Eugène.

Il se repose, tout simplement. Cela faisait si longtemps... Enfin le calme, quelques vols d'oiseaux, le bruit du vent. Il en avait besoin Eugène. Avec ses mains calleuses, ses bottes crottées, son visage sale, il est comme un mineur de fond qui referait surface, passant en un instant du trou à rat au printemps.

Savourer encore cet instant de paix sous l'azur sans penser à rien, le front toujours levé... Le dormeur est tout à sa volupté.

Maintenant Eugène ouvre les yeux, le front dirigé vers l'infini. Le ciel éclate de beauté au-dessus de sa tête. Son regard parcourt lentement l'horizon bleu que parsèment quelques nuages.

La paix.

Instant exquis pour Eugène. La paix... Mollement son front se baisse, de vertical le regard se fait horizontal : l'image du ciel fait progressivement place à celle de la terre. La paix...

La paix ? La guerre !

Le bleu devient la boue, l'harmonie le chaos, l'éther la charogne.

Une grenade vient d'exploser à deux trous du rêveur. Puis une autre, suivie d'une série d'obus. La mitraille est revenue, assourdissante. Au vacarme du fer hurlant, au concert puissant des canons qui dégueulent le feu s'opposent l'horrible cliquetis des os qui se disloquent, l'affreuse discretion de la chair qui se déchire. Justement, les deux jambes de notre homme viennent d'être arrachées, projetées loin du corps. De ce qu'il reste du corps, du moins : un bras est parti lui aussi, avec la moitié du visage, moustaches comprises. Décidément les rêves finissent mal au printemps 1917 à Verdun...

Eugène ne rêve plus. Ou plutôt si. Il commence un long, interminable rêve.

Mais il ne se réveillera jamais.